vendredi, février 16, 2007

ART ET CULTURE - PARTIE I


La culture tend à prendre une place de plus en plus fondamentale dans les systèmes et préoccupations politiques de nos civilisations. Que la culture soit instrumentalisée, sacralisée, commercialisée ou enseignée, elle sous-tend un nombre considérable de nos activités et ne concerne pas exclusivement celles dont le caractère serait uniquement artistique ou récréatif.

Si l'on examine la définition même du mot culture, on comprend mieux cet impact et la notion universelle de ce que ce concept engendre. Le terme est si général que l'ethnologue américain, Alfred Louis Kroeber, a recensé près de 200 définitions différentes de ce mot !

Ses racines étymologiques sont elles-mêmes diverses et reflètent très bien sa globalité comme la difficulté à la définir dans un cadre étroit. Le mot latin dont il est issu "colere" peut aussi bien signifier "habiter", "cultiver" ou "honorer". On y retrouve la notion d'occupation d'un lieu, la notion de récolte d'un fruit par la bonification et l'exploitation d'un terrain et une notion plus spirituelle proche de l'admiration que l'on retrouve dans le mot culte par exemple.

Dans les faits, dans son sens le plus général, la culture recouvre l'ensemble des connaissances humaines ainsi que la transmission de ce savoir et englobe aussi bien les connaissances techniques, que la religion, le langage, l'art, les valeurs, l'éthique, l'éducation, ce qui distingue un peuple, une région géographique voire même une entreprise. Peut être, en d'autres mots, elle rassemble tout ce qui semble distinguer l'homme de l'animal.



Si l'on revient plus précisément à un système gouvernemental ou politique, les missions confiées à un Ministère de la Culture correspondent à une définition restreinte du concept et concernent tout ce qui touche à l'art en général. Elles portent principalement sur ce que l'on appelle plus communément la culture collective plutôt que la culture individuelle.

Ces classifications sociologiques qui devraient toujours se compléter et travailler l'une pour l'autre semblent pourtant parfois s'opposer étrangement. Certains artistes ne se revendiquent-ils pas de la "contre-culture" ?On peut voir tant dans l'organisation structurelle d'un Ministère de la Culture type et l'examen de ce qui définit la culture individuelle, ce qui sépare et explique en quoi ces deux notions peuvent parfois se combattre.

Pour faire simple, on pourrait dire que la culture individuelle dans le domaine de l'art regroupe principalement la notion d'éducation et de création. C'est un concept évolutif par définition, soit que les connaissances soient acquises en vue d'un enrichissement personnel satisfaisant l'esprit (la notion d'agriculture dans un sens figuré si l'on se souvient de l'étymologie), soit pour le simple plaisir que l'art apporte à l'individu (la notion récréative et l'admiration), soit l'application par l'individu de cet enseignement qui est alors traduit dans le concret.

La culture collective s'intéresse avant tout au patrimoine résultant de la création individuelle, la conservation de ce qui a déjà été produit, l'histoire de l'art dans son sens le plus temporel. Elle permet aussi de définir les caractéristiques d'un lieu géographique en lui conférant une identité sur la base de l'acquis créatif du passé. Il suffit pour s'en convaincre d'observer comment sont définis les organigrammes des ministères concernés : Direction du patrimoine, Direction des monuments, Direction des archives, Direction des musées, etc. Il est bien évident que les gouvernements complètent cet échafaudage administratif par diverses "Délégation" consacrées aux art plastiques, à la littérature, etc…

Mais il est indéniable que l'accent est mis, à des degrés divers selon les orientations gouvernementales, en priorité sur le passé, beaucoup moins sur la création actuelle individuelle et encore moins sur la création future.

La fixité attachée à l'histoire et à l'acquis engendre indéniablement une rigidité qui tends à s'opposer dans une certaine mesure à la multiplicité, à l'absence de règle, à la liberté et au foisonnement qui sont des valeurs propres à la création artistique. Les gouvernements n'aiment pas non plus ce qui leur échappe d'où un réflexe instinctif dès qu'il s'agit de la création artistique tout azimut.Les courants modernes dans l'art s'inspirent bien souvent de l'acquis pour le dépasser, le transformer, le rejeter ou pour s'opposer directement à lui.

Dans les arts plastiques, par exemple, il n'y aurait pas eu l'impressionnisme si ce mouvement ne s'était opposé à l'académisme du moment en privilégiant la lumière à la forme. L'éphémère fauvisme n'aurait pas existé sans s'éloigner de la démarche restitutive de la réalité de la couleur au profit de l'impact émotionnel apporté par des tonalités plus "bruyantes", sans parler du cubisme qui s'éloigna progressivement et définitivement de la notion même de restitution de la réalité pour dessiner les fondements de l'abstraction dans la peinture.



En fait, la notion de rupture, de différence ou d'opposition à la fois des formes d'art antérieures mais aussi de l'ordre établi est une caractéristique si constante de la progression des arts en général que c'est un lieu commun que de le mentionner. C'est à tel point que l'idée même d'évolution des différents mouvements artistiques est elle-même contestée par une revalorisation régulière des arts primitifs, naïfs ou instinctifs. Le peintre et sculpteur Ben a même poussé le raisonnement plus loin en "inventant" un mouvement artistique intitulé le non-art – une sorte "d'an-art-schisme" (la formule pourrait lui plaire).

Dans tous les cas, l'art restitue le temps présent et, plus souvent encore, préfigure le futur de l'époque dans laquelle nous vivons. Les artistes ont cette faculté à sentir sur quel palier se repose la civilisation présente pour monter sur la marche au-dessus (parfois celle du dessous ou se déplacer sur le palier d'à côté) et présenter des œuvres à la limite de ce que le public peut accepter. Lorsque suffisamment de marches sont créées, un nouveau palier fini par se former, et ainsi de suite.

Pour se résumer, la culture dans son acception populaire représente le passé, l'acquis et même la mort dans une certaine mesure (très peu d'artistes dont les œuvres constituent le patrimoine culturel d'une nation sont encore vivants) – l'art, c'est la création, le futur et la vie. La culture dans son sens plus global est un mandala bipolaire et dont chacune des deux parties à besoin l'une et de l'autre pour pouvoir exister et progresser. Une œuvre ne perd pas de son intérêt, de sa beauté, de sa force sous le prétexte qu'elle est ancienne. Néanmoins, si la source créative se tarie le niveau culturel tend à diminuer dans son ensemble. La grandeur d'une culture peut se mesurer à la quantité de création favorisée par la société.

Si l'on essaye de déterminer les facteurs qui favorisent la création artistiques, on peut faire les observations suivantes :

1. Il est intéressant de noter par exemple qu'une des scènes artistiques parmi les plus dynamiques du monde se trouve aux Etats-Unis particulièrement dans le domaine musical. Et pourtant, ce pays est un état neuf dont le patrimoine culturel est très faible. De fait beaucoup plus de moyens sont donnés à la création.

2. Paradoxalement, en Angleterre la musique populaire a inspiré le monde dans les quarante dernières années alors que ce pays de la vieille Europe dispose d'un important patrimoine. Probablement, la possibilité pour un groupe de rock ou d'autres musiques contemporaines de se produire dans des pubs improvisés en salles de spectacles compte pour beaucoup dans le phénomène au Royaume-Uni. De même, les nombreux cafés-théâtres ou petites salles, en France, ont forgé un renouveau et un dynamisme dans le monde théâtral dont l'influence résonne encore jusque dans le cinéma d'aujourd'hui.


3. La Nouvelle Vague qui est un style d'écriture cinématographique mais qui a insufflé un renouveau indéniable dans ce domaine a aussi existée parce que les nouveaux réalisateurs pouvaient fabriquer des films avec une caméra sur l'épaule et avec des moyens bien moindres. La démocratisation des moyens techniques de la production est donc un autre facteur.

4. La mixité culturelle est très certainement un autre élément de réponse. Un art vivant intègre, absorbe, transforme et accueille les influences extérieures. Le rock n'existe que par la mixité de plusieurs traditions ou courants musicaux.

5. Les modèles économiques qui permettent aux artistes de pouvoir vivre de leur production sans passer par une demande de subventions de l'état et d'une machine lourde et technocratique sont également des facteurs importants de la vitalité créative. Les incitations fiscales invitant le secteur privé à encourager la création artistique en France était une très bonne mesure (bien qu'insuffisante et pas assez utilisée) et s'inscrit également sous ce point.

6. Les moyens mis en œuvre pour faciliter l'accès des spectateurs à toute les formes d'art en en réduisant le coût est également un facteur important. L'Internet qui diminut considérablement les frais de production (frais d'impression, de reproduction, de distribution, de packaging, etc.) pourrait permettre cela à condition que le point ci-dessus soit respecté. Aujourd'hui, la musique payante sur le net est trop chère et le téléchargement pirate trop volumineux.

7. L'enseignement des techniques artistiques est également un facteur dynamique à la condition que la technique ne prenne pas le pas sur la qualité communicative ou sur l'impact des œuvres créées. Renoir se félicitait de ne pas avoir étudié aux Beaux Arts. Néanmoins, les conservatoires municipaux ont permis un accès considérable à la culture et à la pratique de l'art.

8. Enfin, la presse spécialisée a un role important à jouer. Qu'aurait été l'épopée de la musique populaire des années 60/70 sans Rolling Stone Magazine aux USA ou Rock'n Folk en France. Ou la Nouvelle Vague sans les Cahiers du Cinéma. Si la critique est constructive, et si les journalistes entreprennent un véritable travail de recherche des futurs génies, les médias permettront d'éviter que trop d'art ne tue l'art. En effet la multiplicité des sources peut aussi noyer les talents dans la masse. Les tremplins, les prix, les concours, etc. ne sont pas néfastes lorsqu'ils sont sincères et non uniquement motivés par des intérêts commerciaux ou une certaine forme de jalousie.

Il en existe peut être d'autres…Alors quel devrait être la politique culturelle d'une nation, à mon sens, et que devrait-on changer en France ?

3 commentaires:

  1. Une œuvre ne perd pas de son intérêt, de sa beauté, de sa force sous le prétexte qu'elle est ancienne. Néanmoins, si la source créative se tarit, le niveau culturel tend à diminuer dans son ensemble.

    Oui, je le crois aussi.

    Emile Mourey

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  2. Anonyme6:16 PM

    tu devrais continuer epo sincèrement ! la partie 2 et le reste, caricatures etc.

    C'est de qui le tableau plus haut ?j'aime bien

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  3. Il s'agit de La Joconde aux Clés de Ferdinand Leger.

    Tu sais Thaïs, tout cela n'était pour moi que quelques amusements, exercices de style, de maitrise du geste, etc. A l'occasion, j'en publierais d'autres. Mais je voulais approfondir d'autres voies et je n'ai qu'un temps limité. Et beaucoup de travail en retard par ailleurs.

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